Entrevue

Hydro-Québec, bien branchée sur l’économie sociale

PARLONS ÉCONOMIE SOCIALE AVEC…

L’objectif de la société d’État est ambitieux : rehausser de 50 % d’ici 2026 le nombre d’entreprises d’économie sociale actives dans son giron. Bertrand Gimat, chef des orientations stratégiques en approvisionnement pour Hydro-Québec, est convaincu du bien-fondé de cette démarche. Entretien éclairant avec un passionné du sujet.

Depuis la signature en 2019 par Hydro-Québec de l’initiative L’économie sociale : j’achète ! pilotée par le Conseil d’économie sociale de l’île de Montréal (CESIM), Bertrand Gimat considère que les occasions de faire affaire avec la société d’État se multiplient pour les entreprises d’économie sociale. Avis aux intéressés…

« Plusieurs d’entre elles offrent déjà avec succès leurs produits et services dans nos différents créneaux d’affaires », confirme Bertrand Gimat. L’entretien ménager, le nettoyage des uniformes et la gestion du parc informatique en fin de vie sont des secteurs d’activité qui peuvent déjà compter sur l’expertise provenant de l’économie sociale. « Hydro-Québec souhaite s’imposer comme un chef de file en la matière et insuffler du dynamisme à ce mouvement », explique-t-il.

Alors que la pandémie de la COVID-19 a entraîné des mesures sanitaires plus importantes, Hydro-Québec constate que le service obtenu notamment de son fournisseur d’entretien ménager s’est avéré très satisfaisant, « au même niveau qu’une entreprise régulière ». Résultat ? Une part significative des dépenses de la société d’État dans ce service sont aujourd’hui dirigées vers l’économie sociale. L’expert en profite d’ailleurs pour déconstruire certains mythes tenaces sur le sujet.

« Les entreprises d’économie sociale ont des prix compétitifs, de l’écoute pour nos besoins et de la transparence dans leurs communications. Généralement, de petites structures peuvent être plus agiles que de grandes entreprises. Cette agilité leur donne la capacité de répondre aux besoins spécifiques d’Hydro-Québec. Et la qualité du service rendu est au rendez-vous ! ».

Priorité : approvisionnement responsable

Tisser des liens avec des fournisseurs responsables est l’un des objectifs qui figurent dans le Plan de développement durable et dans le Plan stratégique d’Hydro-Québec pour la période 20222026. « L’approvisionnement responsable est l’une des priorités de l’organisation et une valeur fondamentale de notre processus d’analyse du marché », confirme-t-il. La stratégie d’Hydro-Québec à ce chapitre comporte d’ailleurs dix volets, dont l’achat auprès d’entreprises d’économie sociale. À l’heure actuelle, une trentaine de catégories d’achat sont couvertes par celles-ci. Et cette tendance n’est pas près de s’inverser !

« Pour préparer le réseau électrique de demain, on doit s’assurer de compter sur une chaîne d’approvisionnement robuste. Notre logistique, on la souhaite donc plus locale. Les fournisseurs d’ici nous offrent une meilleure prévisibilité que les fournisseurs étrangers, qui ont parfois l’habitude de ne considérer que le seul facteur financier », résume Bertrand Gimat.

Il donne l’exemple de l’approvisionnement des biens stratégiques (des transformateurs de puissance, des groupes de turbines alternateurs), essentiels au bon fonctionnement des opérations électriques. « Notre stratégie est de faire du maillage avec des sous-traitants d’ici et de rapatrier cette production au Québec. ».

Économie sociale : stratégie d’approvisionnement en trois axes

Questionné sur les moyens concrets mis en œuvre par son employeur pour s’approvisionner auprès d’entreprises d’économie sociale, Bertrand Gimat identifie trois éléments principaux : la réservation de lots, l’attribution de gré à gré et l’octroi d’une marge préférentielle.

« Nous avons amélioré notre encadrement à l’interne pour permettre aux conseillers en approvisionnement de faire du gré à gré directement avec les entreprises d’économie sociale, tout en étant conforme à nos obligations réglementaires de société d’État. Il nous est donc maintenant possible d’octroyer certains lots directement à celles-ci. Et sur des marchés où il y a suffisamment de concurrence, on leur accorde une marge préférentielle de 5 à 10 % sur le prix soumis. »

Et outre sa stratégie d’approvisionnement adaptée aux entreprises d’économie sociale, Hydro-Québec a mis en place de nouveaux critères de sélection qui permettent aux soumissionnaires ayant de bonnes pratiques en développement durable d’accroître jusqu’à 10 % leur note dans le cadre de l’évaluation de leur dossier dans certains appels au marché. « Un questionnaire d’évaluation des performances des entreprises soumissionnaires en matière de développement durable fait désormais partie intégrante de nos appels de proposition », explique Bertrand Gimat qui, en plus de son rôle stratégique chez Hydro-Québec, anime La Fresque du Climat durant ses temps libres.

L’expert invite d’ailleurs les entreprises d’économie sociale à bien faire connaître leur organisation respective. « L’une des problématiques que les grands donneurs d’ordre rencontrent sur le terrain, c’est le peu de publicité qui entoure les entreprises d’économie sociale. Et, à l’autre bout du spectre, celles-ci trouvent que le processus pour faire affaire avec les grandes sociétés d’État est complexe. Hydro-Québec travaille à alléger ce fardeau », constate-t-il.

Mais que doit donc faire le dirigeant d’une entreprise qui souhaite se familiariser avec l’économie sociale ? La première étape est d’évaluer l’offre existante. Quels sont les fournisseurs issus de l’économie sociale qui peuvent répondre à vos besoins actuels ? Plusieurs répertoires, dont celui du CESIM, sont disponibles pour vous permettre de faire ce jumelage.

Bertrand Gimat recommande ensuite d’adopter l’approche des petits pas et d’y aller d’un projet-pilote. Vous pourriez ainsi segmenter votre besoin pour accorder un premier mandat à une entreprise d’économie sociale. Comparez ensuite les résultats obtenus avec ceux d’un fournisseur « régulier ». « Un éléphant se mange une bouchée à la fois », rappelle-t-il avec sagesse.

Les résultats vous plaisent ? Un jour, l’heure sera venue de prendre un engagement et de faire de l’économie sociale l’une des facettes de votre approvisionnement responsable. « La haute direction doit s’impliquer en ce sens et en faire un volet du plan stratégique », recommande-t-il.

Et si le meilleur était à venir ?

Interrogé sur sa vision d’avenir de l’économie sociale, Bertrand Gimat sourit. « C’est une question que j’aime bien », confesse-t-il. Un premier principe lui tient à cœur. « Sortir d’une simple relation de donneur d’ordre pour bâtir un partenariat gagnant sur le long terme. » Comme mentionné précédemment, Hydro-Québec souhaite impliquer ses partenaires locaux dans la mise en place d’une chaîne d’approvisionnement plus robuste. « On pourrait partager avec eux des prévisions ou innover ensemble dans nos façons de faire, à titre d’exemple », dit-il.

Et le concept pourrait bien être poussé plus loin. « Aujourd’hui, les grandes organisations font affaire avec des entreprises d’économie sociale qui existent déjà. Mais éventuellement, on pourrait même penser à en créer de toutes pièces pour répondre à des besoins dans des créneaux particuliers qui ne sont toujours pas couverts par l’économie sociale. Plusieurs institutions pourraient ainsi mettre la main à la pâte pour développer des entreprises d’économie sociale 2.0, sachant que celles-ci auront ensuite un carnet de commandes garanti avec Hydro-Québec et d’autres sociétés partenaires », dit-il.

Distribuer de l’électricité, certes, mais aussi redistribuer une partie de ses profits et de son savoir-faire au bénéfice de la communauté : Hydro-Québec répond « présent » en matière d’engagement social. La société d’État s’est donné l’objectif ambitieux de rehausser de 50 % d’ici 2026 le nombre d’entreprises d’économie sociale partenaires dans son giron. « C’est le meilleur moyen de concrétiser la mise en œuvre de notre politique de développement durable et d’approvisionnement responsable », conclut Bertrand Gimat. 

Alors, serez-vous la prochaine organisation à vous en inspirer et à suivre le courant ?


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